Antoine Wassner : " On est parti pour 5 années difficiles "...

Quel est le moral des chefs d'entreprise en cette rentrée 2014 ?, comment perçoivent-ils la politique du gouvernement sur le plan de la reprise économique ? Quelles sont leurs priorités dans les mois et les années à venir ?...Autant de questions d'actualité qui nous ont incité à interroger l'un d'entre eux, bien connu dans l'agglomération du Puy, puisqu'il s'agit d'Antoine Wassner, le directeur de la société Sabarot Wassner a à Chaspuzac. L'entreprise est devenue numéro une au niveau de la production d'escargots en Europe, elle est également très bien positionnée au niveau de la production de champignons en France, mais comment fait-elle face à la crise ? Interview :

Haute-Loire Infos : Comment se porte aujourd’hui l’entreprise Sabarot-Wassner ?

Antoine Wassner : Très bien, il y a six ans, nous nous sommes remis complétement en question, ce qui nous permet aujourd’hui d’affronter la crise sereinement. Il reste quelques problématiques de matière première, comme la lentille verte du Puy qui depuis 3 ans ne couvre que 50% de nos besoins, mais nous travaillons aux cotés de nos producteurs pour y remédier.

Haute-Loire Infos : Comment avez-vous vécu l’embargo russe, et quelles leçons en tirer vous pour l’avenir ?

Antoine Wassner : Inquiets sur le moment, car on n’est jamais heureux d’avoir 20.000€ de perte sèche en cas de destruction de nos produits, puis 300.000€ de perte de chiffre d’affaire, mais on doit relativiser vite sur le poids de ce marché qui pour notre part ne pèsent qu’environ 1% de notre chiffre d’affaire. Nous travaillons avec une dizaine de pays à risque, à nous de répartir au maximum nos exportations pour éviter qu’un pays ne pèse trop sur la stabilité de notre PME.

Haute-Loire Infos : Que pensez-vous du Plan de relance du gouvernement, et de la main tendue par Manuel Vals ?

Antoine Wassner : La main tendue est appréciable, bizarrement certains de ses mots n’ont jamais été cité par la droite au pouvoir il y a 3/5ans. Mais dans les faits, on baisse certaines cotisations, mais on monte d’autres impôts. En 2013, le CICE m’a permis de récupérer 80.000€, mais j’ai payé 120.000€ d’impôts et charges en plus (hors Impôts sur les sociétés) ! L’industrie a besoin de retrouver de la compétitivité face aux autres pays de l’UE, désolé de dire ça, mais aujourd’hui on a besoin de la richesse créée par les exportations, aussi on doit vraiment aider les entreprises qui sont dans cette logique. Un avocat ou un pharmacien qui vont toucher 6% de CICE, ne vont pas forcement l’investir comme un industriel. Entre des clubs de golf ou la robotisation des industries, je pense que l’état doit choisir !

Haute-Loire Infos : Est-il facile d’être d’un chef d’entreprise aujourd’hui en France ?

Antoine Wassner : Oui car on est dans un pays sûr, et on n’oublie la chance de notre démocratie (ndlr : Russie), mais aujourd’hui le choc de simplification est urgent, car la lourdeur de notre système nous fait perdre du temps et de l’argent. Je pense que le gouvernement n’est pas allé assez loin, Paris doit aussi interroger les entreprises de province ! Il y a aussi la question de notre image, malheureusement en France, on nous voit souvent comme des profiteurs et non des créateurs d’emploi et de richesses. Il faut inciter les jeunes à créer leurs emplois, leurs business, on doit montrer aux jeunes dès l’école qu’être entrepreneur c’est l’avenir.

Haute-Loire Infos : Comment voyez-vous l’avenir économique, et notamment en Haute-Loire ?

Antoine Wassner : On est parti pour 5 années difficiles, on se fait la guerre entre pays européens, au lieu de jouer collectif face aux USA et aux BRICS. La Haute-Loire va être aidée par l’entrée dans la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne, mais nous devons jouer une nouvelle carte.

Haute-Loire Infos : Quelle est la carte qui doit être jouée en Haute-Loire, pour favoriser l’économie et le tourisme ?

Antoine Wassner : On doit jouer à fond la carte de la nouvelle région pour attirer les belles entreprises de la région Rhône-Alpes chez nous. Qualité de vie, amélioration des transports et fibre optique doivent être mis en avant et en priorité pour y répondre. Continuer à créer des filières d’avenir, le projet mené par Laurent Wauquiez dans le luxe sur l’agglomération du Puy-en-Velay est très bon, il faut trouver d’autres filières d’avenir pour les autres basins du département. Il y a des petites pépites comme Open Studio au Puy, on doit aussi aider les entreprises du net, car le département a peu profité de cette révolution industrielle. Pour le tourisme, il n’y a pas une politique globale pour le département. Le département doit faire changer ça, et c’est à eux de montrer l’exemple de communiquer mieux avec les agglo !Il faut vendre notre destination tant pour les clients individuels, tour opérateur,  mais aussi sur le segment affaires.  Il faut aussi attirer des Center Parks, Club Med ou Pierre & Vacances, ils sont absents de notre département, pourtant il apporte des emplois et des richesses, car le séjour moyen est de 6 jours. L’agglo a choisi sa Tour-Eiffel avec le chemin de St Jacques, mais un pèlerin dort deux nuits dans le département et on ne peut pas dire qu’il dépense beaucoup. On doit s’appuyer sur cette image très positive des chemins mais miser sur des séjours 100% Haute-Loire.