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15 octobre

Gendarmerie : Patrick Mabrier, invité du week-end...


Le lieutenant-colonel de gendarmerie Patrick Mabrier est notre invité ce week-end, il commande le groupement de gendarmerie de Haute-Loire. Il nous parle de son métier, des qualités nécessaires pour être un bon gendarme, de ses passions...Voici les réponses à l'interview à laquelle il a bien voulu répondre.

Haute-Loire Infos : Quel a été le déclic qui a fait que vous ayez choisi de faire carrière dans la gendarmerie nationale ?

 

Patrick Mabrier : Difficile question. Pour ce qui me concerne, ce choix a été le fruit d'un long processus. Ma première vocation, c'est  de servir la Justice au sens entier du terme. Je me suis donc engagé dans des études de droit à Aix en Provence, après mon bac, et j'ai obtenu à l'époque en 1986 un DEA, aujourd'hui Master de droit pénal et sciences criminelles. Et puis, j'ai découvert l'armée au travers du service national aujourd'hui suspendu. Affecté après mes classes au régiment d'infanterie de marine du pacifique à Nouméa en qualité d'aspirant chargé des affaires sociales, j'ai aimé tout de suite la rigueur, le respect de l'autre,  et les valeurs de l'institution. Entre les métiers classiques de la Justice et l'armée traditionnelle,  j'ai découvert la gendarmerie. J'y ai trouvé naturellement ma place.

 

Haute-Loire Infos : Quelles sont les qualités nécessaires pour en faire partie ?

Patrick Mabrier : Les qualités nécessaires sont multiples, tout simplement parce qu' au sein de la gendarmerie chacun peut exercer plusieurs métiers: motard, spécialiste en identification criminelle, enquêteur d'unité territoriale mais aussi spécialisée...

Et il peut les exercer à différents niveaux: exécution, encadrement, conception...   Pour ma part, j'ai effectué toute ma première partie de carrière en qualité de pilote d'hélicoptère  au commandement  notamment de deux sections aériennes  (Metz et Villacoublay) , avant de revenir à des fonctions plus classiques. Ce n'est pas un cas isolé. Et je dirais donc, pour répondre à votre question, que la qualité principale, c'est au fond, me semble-t-il, la disponibilité: disponibilité vis-à-vis du service: accepter d'aller là où il le commande, là où l'institution a besoin de vous dans l'intérêt de la communauté; disponibilité vis-à-vis du citoyen, au service duquel le gendarme se trouve placé, quelles que soient ses fonctions et son niveau d'intervention; disponibilité devant l'événement car en gendarmerie, c'est l'actualité qui commande, il faut l'anticiper autant que possible, se préparer aux éventualités, et surtout savoir réagir.

Haute-Loire Infos : Quel regard portez-vous sur la Haute-Loire depuis votre prise de fonction ?

Patrick Mabrier : Un regard d'amitié. Je ne suis pas originaire de la Haute-Loire, et je ne me destinais pas à venir commander la gendarmerie de ce département. Mais depuis mon arrivée, à aucun moment, je n'ai regretté d'avoir dit oui à la proposition qui m'a été faite de servir ici. Pourquoi? Je pense tout simplement parce que ce département à une âme, une âme particulièrement riche et complexe, celle de ses  pierres et de son terreau volcaniques, celle de sa diversité en deçà et au delà des cols de Fix et du Pertuis, celle de  ses hommes et de  ses femmes attachés à leur terroir. Attachés mais ouverts, car je dois dire que j'ai été vraiment accueilli de très belle manière.   Dans l'ensemble, je dirais que la Haute-Loire est un pays où il fait bon vivre, et que je m'efforce, au quotidien, avec l'ensemble des gendarmes du département, qui pour nombre d'entre eux en sont originaires ou ont choisi de s'y installer, de faire en sorte que cet état de fait se poursuive.

 

Haute-Loire Infos : La multiplication des radars et les contrôles répressifs ne rendent-ils pas les gendarmes de plus en plus impopulaires ?

 

Patrick Mabrier : Je ne le pense pas. Certes, il n'est jamais agréable d'être arrêté par un gendarme au bord de la route, et encore moins de se voir infliger une amende ou un retrait de point. Et je vous rassure, la peur du gendarme n'épargne personne, même pas le colonel qui lève instinctivement le pied quand il croise une patrouille au bord de la route, ce qui fait toujours sourire sa femme. Mais finalement, cette peur n'est-elle pas salutaire? Je crois que  nos concitoyens en sont tout à fait conscients. Bien sûr, il y aura toujours l'irréductible qui pense bien à tort que les gendarmes reçoivent des directives pour remplir les caisses de l'Etat grace aux amendes ...  La réalité est bien plus cartésienne. Moi qui ne suit pas un grand fervent des chiffres, je dois dire qu'en ce domaine, j'y suis sensible. Et si nous constatons globalement au fil des ans une baisse des accidents, des blessés et des tués sur la route, c'est parce que la gendarmerie, présente dans l'action de prévention à côté des services de l'Etat, du département et des associations, est aussi présente pour effectuer des contrôles. La répression a un effet préventif certain, ne l'oublions jamais, et les gens le comprennent fort bien, "tous comptes faits".

 

Haute-Loire Infos : Quel est le souvenir de gendarme qui vous a le plus marqué à ce jour ?

 

Patrick Mabrier : Pour moi, ce sont les actions de secours que j'ai menés en hélico au large d'Arcachon ou dans le massif des Vosges, les hélitreuillages dans les conditions difficiles (il y en a eu heureusement peu) et la  satisfaction de hisser à bord et d'évacuer rapidement une personne en détresse. Mais ça, c'était il y a longtemps...

En Haute-Loire, ce qui m'a marqué, c'est l'affaire de cette jeune femme de 37 ans égarée avec son enfant de 7 ans que nous avons cherché pendant 5 jours cet été autour du lac du Bouchet , et que nous avons retrouvés sains et saufs. Quand je dis "nous", c'est plus que nous les gendarmes, puisque d'ailleurs, c'est une équipe de personnes habitant dans les alentours qui s'était portée volontaire pour participer aux recherches qui a entendu l'appel au secours du petit garçon, au fond d'une vallée encaissée, et a permis de mettre fin à cette affaire.

 

Et justement, si c'est un bon souvenir, c'est parce que j'ai éprouvé  une immense satisfaction à voir de mes yeux, tout d'abord, la volonté, la disponibilité, l'engagement entier des gendarmes des brigades voisines mais aussi des trois compagnies du département et des motards de l'escadron de sécurité routière, du début à la fin, jour et nuit. Mais pas seulement. D'autres corps sont venus prêter main forte de manière spontanée: les pompiers, venus en nombre, mais aussi la police.  Surtout, c'est l'élan de la population qui m'a marqué  le plus: madame le maire, les conseillers municipaux, les voisins, les chasseurs, ...  tous étaient là. Tous étaient volontaires, impatients de partir en recherche dès que cela fut possible, c'est-à-dire dès que nous avons retrouvé le véhicule, preuve que la mère et son enfant étaient bien dans les alentours.

 

Je me souviens du moment précis où ils ont été retrouvés. Je donnais sur la place  d'un village mes ordres pour la battue aux différents groupes formés de gendarmes et de volontaires, quand j'ai entendu les cris de joie se répandre dans l'assemblée. C'est ce qu'il y a de beau dans ce métier: il vous donne l'occasion de vivre des moments comme ceux là, plein de générosité, de don de soi, et vous font oublier tous les autres,  les plus sordides, comme ceux qui consistent  simplement à construire jour après jour, derrière votre bureau, en réunion ou ailleurs, l'échaffaudage qui vous permettra d'être prêt le moment venu.

 

Haute-Loire Infos : Parlons de vous à présent, quel homme se cache derrière l’uniforme ?

 

Patrick Mabrier : L'homme, c'est compliqué. On n'est jamais à l'aise quand il s'agit de parler de soi. Je dirais que l'homme fait ce qu'il peut. J'essaye d'être à la hauteur de mes ambitions. Pas facile. Mon épouse, qui connait tous mes défauts, serait intarissable sur le sujet si je l'autorisais à vous en parler. Disons que je suis patient, calme, observateur, que je n'aime pas les gens qui font du vent, qui ont tout fait et savent tout sur tout. Il y en a trop à mon goût. Disons aussi que je suis susceptible, mais d'une susceptibilité militante. J'aime la courtoisie et quand on s'exprime calmement. C'est la marque de la civilisation. Le respect de l'autre en toutes circonstances, c'est essentiel. C'est ce qui grandit l'individu.

 

Et puis aujourd'hui, à 50 ans tout  rond, priorité au plaisir dans le travail et au travail bien fait. Je suis payé pour faire un boulot, et je le fais du mieux que je peux, jusqu'au bout, toujours, en essayant de laisser le moins possible de monde au bord de la route. Parce que, ce que je fais, je ne le fais pas tout seul. Seuls, nous ne sommes rien, c'est ma grande conviction. J'ai une équipe de collaborateurs au sein de mon état major, et des commandants de compagnie, des commandants de brigade, des hommes et des femmes au fin fond de leurs unités, compétents et pleins de valeur. Je ne les vois pas assez, mais je sais  leur engagement au quotidien, même si dès fois je les malmène un peu. Mais je n'aime pas l'à peu près. C'est comme ça ! 

 

Haute-Loire Infos : Comment occupez-vous vos temps libres ?

 

Patrick Mabrier : Lecture, peinture, écriture, et un peu de moto, dans le respect du code de la route, bien entendu! Peintre du dimanche, j'aime surtout écrire, inventer des personnages, des intrigues. Et je trouve que la Haute-Loire est une belle terre d'inspiration. Manque le temps, encore et toujours, et un éditeur! Les journées passent à une vitesse record et s'enfilent les unes derrière les autres. Plus de 25 ans de service déjà, et le sentiment de sortir à peine de l'université !

Haute-Loire Infos : Quelle est votre devise ?

Patrick Mabrier : J'ai envie de dire: jamais fermé, toujours ouvert. En gros, savoir prendre les trains quand ils passent, savoir profiter de ce qui vient en prenant ce qui est bon à prendre. Ne pas avoir peur du changement, de l'inconnu. Se rappeler que c'est en prenant le large que l'enfant devient adulte, et réaliser qu'à chaque fois qu'on prend le large, qu'on prend des risques, on grandit. Et peu importe ce que l'on perd en chemin: au bout du compte on gagne toujours. Regardez les Justes! C'est quelque chose qui parle, ici! Ils avaient compris que la lumière est toujours au bout du tunnel. Et si certains n'ont jamais vu le bout du tunnel, qu'importe au fond: ce sont eux les vainqueurs, pas ceux qui sont restés devant l'entrée en attendant que ça se passe. Ceux là n'ont rien appris. Ne soyons pas médiocres dans nos petites vies si courtes! C'est sans doute le défi le plus difficile que chacun doit livrer à soi-même!

 

 

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